Victor Hugo et le Mont-Saint Michel

Victor Hugo, en villégiature dans la région avec Juliette Drouet, décrit à Adèle sa visite, entre admiration et effroi.


« J’étais hier au Mont Saint-Michel. Ici, il faudrait entasser les superlatifs d’admiration, comme les hommes ont entassé les édifices sur les rochers et comme la nature a entassé les rochers sur les édifices »

Lettre à son épouse Adèle, le 28 juin 1836 


« A l’extérieur, le Mont Saint-Michel apparaît, de huit lieux en terre et de quinze en mer, comme une chose sublime, une pyramide merveilleuse dont chaque assise est un rocher énorme façonné par l’océan ou un haut habitacle sculpté par le moyen-âge, et ce bloc monstrueux a pour base, tantôt un désert de sable comme Chéops, tantôt la mer comme Ténériffe. » 

Lettre à Adèle Hugo, 28 juin 1836


« Un lieu bien étrange que ce Mont Saint-Michel ! Autour de nous, partout à perte de vue, l’espace infini, l’horizon bleu de la mer, l’horizon vert de la terre, les nuages, l’air, la liberté, les oiseaux envolés à toutes ailes, les vaisseaux à toutes voiles ; et puis, tout à coup, là, dans une crête de vieux mur, au-dessus de nos têtes, à travers une fenêtre grillée, la pâle figure d’un prisonnier ».


« J’ai visité en détail et avec soin le château, l’église, l’abbaye, les cloîtres.

C’est une dévastation turque. Figure-toi une prison, ce je ne sais quoi de difforme et de fétide qu’on appelle une prison, installée dans cette magnifique enveloppe du prêtre et du chevalier au quatorzième siècle. Un crapaud dans un reliquaire. Quand donc comprendra-t-on en France la sainteté des monuments ? »


Il évoque dans une lettre à Louise Bertin "ce sinistre amas de cachots, de tours et de rochers qu’on appelle le Mont-Saint-Michel".


«Pour couronner le tout, au faîte de la pyramide, à la place ou resplendissait la statue colossale dorée de l’archange, on voit se tourmenter quatre bâtons noirs.

C’est le télégraphe.  Je suis monté sur ce télégraphe qui s’agitait fort en ce moment.  J’ai jeté mon chapeau dans la cabine de l’homme , je me suis cramponné à l’échelle, et j’ai oublié les contorsions du télégraphe au-dessus de ma tête en regardant l’admirable horizon qui entoure le Mont-Saint-Michel de sa circonférence où la mer se soude à la verdure et la verdure aux grèves.

 

La mer montait en ce moment-là.

Au-dessous de moi, à travers les barreaux d’un des cachots qu’ils appellent les loges, je voyais pendre les jambes d’un prisonnier qui, tourné vers la Bretagne, chantait mélancoliquement une chanson bretonne que la rafale emportait en Normandie.

Et puis, il y avait au-dessous de moi un autre chanteur, qui était libre, celui-là. C’était un oiseau.

Moi, immobile au-dessous, je me demandais ce que les barreaux de l’un devaient dire aux ailes de l’autre. » 

Lettre à Adèle Hugo, le 28 juin 1836


Les quatre vents de l'Esprit 1881


Des décennies plus tard, en 1884, après avoir comparé le Mont Saint-Michel à la dernière merveille de l'antiquité encore debout, Hugo souligne dans une note publiée dans "Actes et Paroles depuis l'exil", l'importance de sauvegarder ce monument qu'il considère comme l'œuvre conjointe de la nature et de l'art.

Raison pour laquelle il s'oppose à l'édification de la digue-route.